Hypnose et dérive sectaire : quels sont les risques ?

Hypnose et dérive sectaire :  quels sont les risques ?

Comme tout ce qui sort de l’ordinaire, du connu et du rationnel, comme tout ce qui n’est pas partagé par le plus grand nombre, l’ombre du sectarisme plane sur l’hypnose. J’ai souvent entendu cette demi-accusation, ce sous-entendu lorsqu’on évoque l’hypnose. Le doute vient parfois des étudiants en hypnose eux-même : découvrir l’hypnose, c’est entrer dans un processus de changement de ses perceptions habituelles. Quels sont les critères qui définissent une secte ? L’hypnose entre-t-elle dans le cadre de la manipulation mentale ? Comment reconnaître et éviter les pratiques douteuses ? Quelques éléments pour faire la part des choses, lever les ambiguïtés et éviter les embrouilles.

 

Comment reconnaître la manipulation mentale ?

 

Cette notion est délicate à aborder puisque la manipulation est partout présente dans une société marchande. La publicité elle-même vise clairement la manipulation de nos besoins et toutes les grandes entreprises fondent leur culture d’entreprise sur une redéfinition des valeurs personnelles de ses employés. On pourrait même aller jusqu’à dire que l’être humain est naturellement enclin à changer ses croyances pour se conformer au groupe qu’il veut rejoindre : toute nouvelle intégration dans un groupe fait l’objet de transformations plus ou moins profondes de ses croyances et de son système de valeurs.

La manipulation mentale est donc définie par l’influence d’autrui, un manipulateur ou une secte, sur la conscience de quelqu’un en vue de lui faire adopter des comportements qui ne sont pas dans son intérêt. Les sciences sociales ont beaucoup étudié ce phénomène et c’est même un des thèmes de prédilection de la psychologie sociale : comprendre les questions d’appartenance, d’influence, le phénomène de dissonance cognitive. Stéphane Laurens, psychosociologue, propose une autre lecture de ces phénomènes, en lien avec l’hypnose, dans cet article. Ses ouvrages sur l’influence et la manipulation (lien vers le livre) et la psychologie individualiste (lien vers le livre) sont incontournables pour penser la pratique de l’hypnose et la position du praticien.

Pour en savoir davantage sur la manipulation et l’hypnose, lisez cet article d’Antoine Garnier.

 

Qu’est-ce qu’une dérive sectaire ?

 

En 1996 a été crée l’observatoire interministériel des sectes, devenu en 2002 la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, également appelé Muviludes. Ce service a été rattaché au ministère de l’intérieur le 1er janvier 2020.

Comment Muviludes défini la dérives sectaire ? La réponse sur son site :

« Il s’agit d’un dévoiement de la liberté de pensée, d’opinion ou de religion qui porte atteinte à l’ordre public, aux lois ou aux règlements, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l’intégrité des personnes. Elle se caractérise par la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, quelle que soit sa nature ou son activité, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre, avec des conséquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la société. »

La disparition de ce service de vigilance des dérives sectaires soulève la question de la protection des victimes de manipulation. Il est donc d’autant plus important que les hypnothérapeutes s’organisent entre eux pour définir des codes de déontologie irréprochables pour protéger l’ensemble de la professions des excès d’une minorité. L’hypnose sort à peine d’un nuage de soufre, il est important de garantir l’éthique de ses praticiens.

 

Comment garantir une hypnose éthique ?

 

L’adhésion à une charte éthique ou un code de déontologie est primordiale. Voici un extrait de la charte éthique de l’ARCHE concernant l’intérêt du client :

« L’hypnologue a l’obligation de poursuivre au mieux les intérêts de son client, par rapport à ses propres intérêts, conceptions ou à ceux de ses confrères.
Les décisions de l’hypnologue quant au protocole à adopter respectent l’objectif défini avec le client. Le cas échéant, l’hypnologue doit prendre en compte l’impact négatif qu’un changement pourrait produire sur « l’environnement » du client et en informer celui-ci.

L’hypnologue fournit une information loyale, claire et appropriée sur sa compétence et sur le déroulement de la séance. Il tient compte de la personnalité du client dans ses explications et veille à leur compréhension.
L’hypnologue n’use pas de sa position de confiance à des fins personnelles, de prosélytisme ou d’abus de l’état de faiblesse éventuelle de son client. »

 

Quid de la manipulation en hypnose ?

 

Par définition, l’hypnose est une manipulation mentale, comme l’ostéopathie ou la kinésithérapie est une manipulation corporelle. La question éthique se situe donc au niveau du consentement et de l’intérêt du client.

Le praticien est tenu de présenter ses méthodes au client, de lui expliquer ce qui va se passer pour lui. Il doit lui indiquer qu’aucune action ne doit être pratiquée sans consentement et que le client est libre à tout moment de stopper un processus. Ces mises en garde n’empêchent pas le client d’être sous l’influence du praticien, c’est pourquoi il est important qu’un hypnologue soit lui-même supervisé et accompagné dans ses propres problématiques. La relation praticien-client doit rester horizontale en toute circonstance : le praticien met les techniques de l’hypnose au service du client et l’accompagne sur un chemin personnel, comme le ferait un guide de haute montagne.

Concernant l’intérêt du client, là encore, le praticien est tenu de définir les objectifs de séance avec le client en l’informant des conséquences qu’un changement pourrait avoir sur sa vie. Le praticien se met au service du client et ne doit en aucun cas estimer ce qui est mieux pour son client.

Nous traitons spécifiquement de la question du consentement dans l’article « Hypnose et consentement : plongée en eaux troubles ».

 

Comment réagir si vous pensez être victime d’un hypnotiseur ?

 

La marche à suivre est exactement la même que pour les victimes d’un manipulateur : se rapprocher d’une personne de confiance et s’éloigner définitivement de la personne qui exerce une emprise sur vous. Inutile de chercher à régler un différend avec un manipulateur. Un manipulateur formé aux techniques d’hypnose peut être redoutable.

En cas de préjudices sérieux, contactez un avocat ou un expert juridique. L’Agence Régionale de Santé ou le Conseil National de l’Ordre des médecins doivent être contactés pour connaître les procédures possibles.

Choisissez de préférence des hypnothérapeutes diplômés d’écoles reconnues, adhérents à des associations de praticiens et ayant signé un code de déontologie.

Certaines personnes utilisent l’hypnose sans conscience. Méfiez-vous de ces hypnotiseurs de rue qui vous tombent dessus au moment où vous ne vous y attendez pas et qui vous proposent des séances d’hypnose alors que vous n’en avez pas vraiment envie. Certaines techniques d’hypnose conversationnelles permettent de vous mettre en transe dans une simple discussion, sans que vous en ayez conscience.

Pour se prémunir des suggestions hypnotiques nuisibles, ne laissez pas votre esprit en position de veille ouverte : c’est une faille exploitable. Certaines techniques d’auto-hypnose permettent de se programmer à être hypnotisable uniquement avec des personnes de confiance et quand vous le voulez vraiment et que c’est bon pour vous.

Marie

Éternelle étudiante en hypnose, je partage mes lectures et mes découvertes.

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