Je ne suis pas hypnotisable !
L’hypnose n’a aucun effet sur moi ! Je n’arrive pas à entrer en hypnose ! Je ne peux pas être hypnotisé ! Cette vieille croyance a la peau dure et de nombreuses personnes continuent de se demander si elles sont hypnotisables et pourquoi l’hypnose ne marche pas sur tout le monde. Vous serez ravis d’apprendre qu’il existe pas de personne non-hypnotisable. En théorie comme en pratique, n’importe quel être humain peut être hypnotisé. Pour mettre en transe une personne peu réceptive à l’hypnose, il suffit de trouver les clés de son système de croyances. Voilà tout l’art de l’hypnose moderne : un bon praticien doit se mettre au niveau de son partenaire pour chercher avec lui les portes de son inconscient. Mais revenons le temps d’un article sur les coulisses de l’état hypnotique et plus particulièrement l’entrée en transe.
Nous sommes tous hypnotisables !
Pendant de longues années, les hypnotiseurs eux-mêmes ont véhiculé l’idée l’hypnosabilité est un trait de caractère : on est hypnotisable ou on ne l’est pas. Les dernières recherches attestent que pour être hypnotisé, il faut que des connexions neuronales spécifiques se produisent (Hoeft et al., 2012). Si vous avez besoin de preuves scientifiques, il existe une longue bibliographie sur le sujet.
L’état d’hypnose est un état naturel, que chacun a déjà expérimenté à différents niveaux sans même en avoir conscience, donc en théorie, chacun peut atteindre cet état de transe hypnotique. On parle également de mouvement de « l’âme engagée dans le rêver et le pressentir de son monde individuel » (Le Magnétisme animal, naissance de l’hypnose de Hegel ed. PUF, 2014). C’est en quelque sorte une capacité à se centrer sur son vécu intérieur, ses pensées, ses sensations et ses émotions. Si certaines personnes, à cause de traumatisme parfois, n’ont pas un full accès à leur intériorité, en moyenne, chacun a déjà expérimenté ces moments d’introspections, de sensations de son intérieur. Ce sont les bases de l’état d’hypnose, l’entrainement ou la présence d’un hypnotiseur ne fait qu’augmenter ces perceptions.
Ce qui pose question en revanche, c’est la possibilité d’entrer en transe dans le cadre d’un cabinet d’hypnose ou d’une salle de spectacle. Pour entrer en transe, il faut le vouloir, il faut laisser opérer l’hypnotiseur. Cela dépend de la relation, de la confiance de la personne hypnotisée, de sa capacité à se convaincre elle-même qu’elle peut se laisser aller dans un état décalé de conscience.
On entend souvent dire qu’il est aussi simple de passer d’un état de veille au sommeil qu’à un état de transe. De la même façon que certaines personnes doivent apprendre à s’endormir, l’entrée en transe est un apprentissage. Nous ne sommes tout simplement pas habitués à repérer et identifier un état de transe et à entrer dans un état d’hypnose seul.
C’est quoi un test de réceptivité à l’hypnose ?
Les hypnotiseurs de spectacle ont divers tests pour évaluer la réceptivité à l’hypnose des participants. Pour un spectacle d’hypnose, les personnes les plus réceptives sont choisies, pour satisfaire au besoin du spectacle. Cette image de la personne qui fait la poule sur scène ou mange des chenilles en imaginant manger un met délicieux, vous la connaissez, donne une fausse impression sur l’hypnose : les personnes très hypnotisables ne sont pas la majorité.
En revanche, la majorité des gens est hypnotisable, chacun selon ses propres fonctionnements. On cite parfois le cas d’un hypnotiseur célèbre qui avait hypnotisé ses filles pour ne pas être hypnotisables (on peut se poser des questions sur son image des désastres potentiels de l’hypnose sur une jeune fille) : on peut supposer que si une personne n’est pas hypnotisable, c’est qu’elle a de bonnes raisons de garder le contrôle. Elle pourra devenir hypnotisable si elle le souhaite, si elle estime que le bilan coût-bénéfice le lui permet, et si, nous le verrons après, elle se sent suffisamment en confiance.
Lâcher prise, ou comment se laisser aller en hypnose ?
Là encore, il s’agit d’un mythe. Il ne suffit pas de lâcher prise pour entrer dans un état hypnotique. Au contraire, pour accéder à la transe, on entre dans une technique de modulation de champs cognitifs et sensoriels qui demande une pratique ou une concentration particulière. Laissez donc le « refus de lâcher-prise » aux oubliettes, laissez les gens tranquilles et évitez de les culpabiliser. Roustang et les neurosciences parlent d’éveil paradoxal, un clin d’œil au sommeil paradoxal qui correspond à la période du sommeil où l’on rêve. Le rêve éveillé est un des états de conscience auquel la technique hypnotique peut amener.
Quid du blocage psychologique à l’hypnose ? C’est un état probable et non définitif. La transe est un cadeau que l’on s’offre et pas une obligation. Inutile donc de forcer qui que ce soit à vivre une transe. Mais, sachez que bien souvent, les personnes qui affirment fermement qu’ils sont dans l’hypercontrôle partent souvent très facilement dans un état de transe.
Pas de transe sans confiance
La résistance à l’hypnose est en réalité un besoin du client de se sentir en sécurité. C’est peut-être difficile à admettre parfois pour le praticien, parce que cela remet en question sa capacité technique (et son ego ?) : il est bien plus simple de reporter la faute sur le client. Mais, honnêtement, la pratique de l’hypnose, c’est avant tout une relation de confiance. On ne donne pas les clés de son intérieur à quelqu’un qui indique vouloir entrer en force. La qualité du rapport est primordiale. Si la personne n’est pas en confiance, pourquoi ne pas chercher ce qui la mettrait en confiance et de quoi elle aurait besoin pour arrêter de résister.
La position haute et l’autorité « médicale » a été un ingrédient fondamental dans l’efficacité de l’hypnose par le passé. Aujourd’hui cela fonctionne encore, bien sûr, mais les patients sont globalement mon soumis et plus critiques. L’hypnse moderne a intégré cette donnée dans sa pratique et s’attache à préconiser la position basse du praticien et l’écoute.
La relation, le lien praticien-client, est une priorité dans la construction de la séance : le praticien doit se mettre dans une écoute et une observation qui lui permet de comprendre le fonctionne le client. Il concentre notamment une grande énergie avec le fameux VAKOG : est que le client est plutôt visuel, auditif ou kinesthésique. La relation de confiance permet également de gérer la peur du basculement dans l’état de transe.
Le praticien est plutôt comme un guide de haute montagne, qui va sécuriser le patient pour garantir une exploration sans risques hors de sa zone de confort.
Pourquoi certaines personnes ne doivent pas être hypnotisées ?
Certains troubles psychologiques sont délicats à approcher avec l’hypnose. On peut même parler de contre-indications médicales et psychiatriques à l’hypnose. Il s’agit des troubles hallucinatoires ou très portés sur l’imaginaire ( schizophrénie, paranoïa, troubles bipolaires, etc).
Les praticiens non-psychiatre, même avec une formation de quelques heures de psychopathologie, devraient éviter d’accompagner ces personnes, car il y a des risques réels de décompensations. Leurs notions en psychopathologie leur permettent d’identifier ces personnes pour les orienter vers des soignants compétents, ce qui signifie qu’ils peuvent rester dans la détermination d’objectifs, la discussion et l’accompagnement, mais en évitant absolument la mise en transe.
Cela ne veut pas dire que l’hypnose est inefficace avec ces personnes, simplement, inutile de jouer aux apprentis sorciers quand on n’a pas les compétences nécessaires. S’il est vrai que l’exploration des parts intérieurs peut donner l’impression d’entrer dans le champ de la schizophrénie, laissez la frontière entre le normal et le pathologique aux experts, ou bien formez-vous sérieusement.